03. Auerstaedt, par un témoin de la bataille

Récit véridique de la bataille livrée le 14 octobre 1806 à Hassenhausen par les troupes royales prussiennes et impériales françaises. Par Johann Christian David TIEZE, Pasteur d’Hassenhausen.

Le 12 octobre 1806, vers le soir, un corps français, sous la conduite du maréchal Davout, venant d’Iéna, arriva à Naumburg et aux environs (1). Dès le lendemain, 13 octobre, vers 8 heures du matin, 23 hussards français parurent dans notre village, qu’ils rançonnèrent ainsi que les villages voisins. Ce même jour, un corps prussien, sous la conduite du duc de Brunswick, s’était aussi porté sur Auerstedt et dans la région environnante. Aussitôt que l’arrivée des Prussiens à Auerstedt fut connue ici, un messager y fut envoyé pour avertir le duc de ce qui se passait (2). Dans la soirée, 9 dragons prussiens vinrent d’Auerstedt ; ils chassèrent de Poppel et de Taugwitz les hussards en train de piller, les poursuivirent par le village jusqu’à Kösen et revinrent alors ici.

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Auerstaedt a donné son nom à la bataille mais les combats eurent lieu dans le village d’Hassenhausen.

Le 14 octobre, avant l’aurore, environ 400 hussards français avaient traversé Hassenhausen se portant sur Auerstedt, ils avaient rencontré au-delà de Gernstedt les avant-postes prussiens et escamouché avec eux environ une heure. Vers 8 heures, des dragons prussiens repoussèrent ces hussards (4) ; aussitôt derrière eux suivait de l’artillerie (5), et la bataille commença ainsi soudain et d’une façon inattendue devant le village et vers Kösen. En quelques minutes, tout le terrain que l’on peut dominer du presbythère était couvert de Prussiens (6).

Les Français étaient partis dès minuit de Naumburg, avaient gravi la montagne de Kösen et par la Haard s’étaient avancés et par suite avaient pris le côté sud de la Chaussée.

Les principaux habitants du village avaient cherché un refuge dans les caves, moi j’allais avec ma femme, ainsi que le maître d’école et sa famille, et quelques autres paysans dans l’église, où nous nous croyions le plus en sûreté, à cause de la solidité des murs. Je m’empressais aussitôt, avec mon maître d’école, de monter dans le clocher, pour observer le champ de bataille ; mais nous ne pouvions juger suffisamment de la position des troupes, en raison de la brume épaisse (7) et de l’immense fumée de la poudre, qui étaient poussées sur les Prussiens et le village ; et c’est seulement par le feu d’infanterie que nous vîmes que les Français étaient repoussés de plus en plus vers le boqueteau de Dubn. Après avoir regardé environ une demi-heure, inquiets, nous craignîmes que les boulets qui arrivaient de la hauteur (8) n’atteignissent la tour, et nous-mêmes ; et alors nous redescendîmes aussitôt dans l’église.

Peu après, la situation des armées était complètement changée, et les boulets s’abattaient sur le côté sud du village. Les boulets et leurs éclats tombaient si violemment sur le toit de l’église, que nous eûmes grand peur de le voir traversé et s’écrouler sur nous. Cette crainte fut encore augmentée parce qu’un gros boulet arracha une partie de la corniche, et projeta les pierres dans le choeur, ce qui produisit un fracas épouvantable. Nous dûmes rester deux heures dans cette inquiétude.

Le changement soudain dans la position des armées provenait de ce qu’une partie de l’armée française, passant par Frankenau, avait traversé le village de Punschrau et était venue prendre le flanc des Prussiens, par le sud, ce qui obligea ceux-ci à se tourner vers la vieille route, et contre Rehchausen, et les Prussiens tiraient ainsi du côté sud sur les Français qui avaient pris le village et la grand’route. Les Prussiens étaient aussi refoulés sur le côté sud du village presque dans la prairie de Taugwitz (9).

Cet échec des Prussiens provenait surtout de ce que dès 10 heures passées, le duc de Brunswick avait reçu une blessure dangereuse à la tête, dans les prés de Taugwitz, par un éclat de boulet.

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La mort du duc de Brunswick

A partir de ce moment tout était allé en désordre. Chaque général devait agir selon sa propre idée, comme je l’ai entendu dire de quelques officiers prussiens dans la suite (10).

Un général prussien avait fait tout ce qui était possible pour incendier le village d’Hassenhausen, et s’il avait réussi, les Français auraient été vraisemblablement battus, car ils avaient beaucoup plus souffert que les Prussiens, et de plus ceux-ci avaient encore quatre régiments de troupes fraîches derrière Rehchausen (11).

La porte de la grange de Christian Bäckern avait en effet brûlé, mais pour le plus grand bonheur du village, le feu s’était éteint de lui-même. Après-midi le théâtre de la lutte était reporté vers l’ouest, comme nous pûmes le déduire du tir, et croyant ne plus avoir de danger à craindre nous montâmes de nouveau dans le clocher pour observer le combat qui fut encore très sanglant dans la plaine de Taugwitz, jusqu’au soir (12).

Le brouillard était tombé, et l’on pouvait tout percevoir nettement. Les Français attaquaient avec la plus grande violence une batterie prussienne, mais ne la prirent pas. Les Prussiens se défendaient avec une bravoure peu commune, et se retirèrent avec cette batterie par Taugwitz. Dans cet affreux combat 200 hommes durent être encore tués ou blessés.

La bataille était finie ici à 2 heures, elle avait donc duré 6 heures et demie. Il était admirable de voir que malgré les nombreux boulets et grenades tombés dans le village, les maisons et les bâtiments tenaient encore et qu’aucun homme n’avait été tué (13) ; et cependant beaucoup de paysans étaient restés dans leur logis ou même quelques uns étaient allés en plein air. Christophe Theile, l’échevin d’ici, était allé, pendant la bataille, dans la maison de Christian Schöneburg, et comme une grenade était tombée dans la cour et brûlait, Thiele avait voulu l’arroser d’eau, mais la grenade éclata et lui causa une grosse blessure au mollet, dont il ne guérit que treize semaines après.

Tous les toits étaient transpercés d’affreuse façon. La situation des habitants était pénible.

Pendant la bataille, les Français étaient entrés dans les maisons et les caves, avaient ouvert toutes les armoires, les magasins, les caisses, pris l’argent, le linge et les habits, tiré les chaussures des pieds des paysans. Comme je rentrais chez moi, je trouvai la chambre pleine de soldats, qui me saisirent aussitôt, déboutonnèrent mon gilet pour chercher si je ne portais de l’argent sur le corps. Je sortis aussitôt ce que j’avais dans ma poche, et après qu’ils eurent choisi tout ce qui leur plaisait, et placé dans leurs sacs, ils se retirèrent. Je dois me féliciter heureusement d’avoir porté une très mauvaise redingote sur moi, qui ne pouvait faire envie à leur rapacité et d’avoir gardé mes chaussures. Ce que je portais de vêtements sur moi fut tout ce que j’avais.

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Davout à Auerstaedt (planche du livre du Dr Hourtoulle)

Beaucoup de blessés furent portés ce jour-là dans les maisons, et le soir mon bureau, et les autres pièces du rez-de-chaussée de ma maison en étaient pleins. Des officiers français avaient pris pour passer la nuit la chambre du haut, et demandaient qu’elle fût chauffée. Je leur objectai que cela n’était pas possible, puisque toutes les fenêtres et le poële même étaient percés d’éclats d’obus ; cela resta sans effet, et le feu dut être allumé. Mais alors une insupportable fumée en était résultée, ces Messieurs surent se tirer d’affaire ; ils saisirent un pot de marmelade de prunes, qui était resté dans un coin de la chambre aux provisions, mélangeant la compote avec la sciure des crachoirs et avec cette colle ainsi confectionnée enduisirent les trous du poële, de sorte qu’une odeur insupportable se répandit dans la maison, et que personne ne put rester. J’abandonnai donc ma demeure et me rendit, avec ma femme à l’église ; où nous restâmes toute la nuit.

Le 15 octobre au matin les chaises des femmes furent sorties de l’église, et le sol arrangé pour servir d’hôpital. En quelques heures l’église fut si remplie de blessés qu’aucun autre ne pouvait plus y être amené. Les blessés restèrent huit jours dans l’église. Mais bien que celle-ci fût évacuée après cet espace de temps, nous ne pûmes célébrer le service divin publiquement que trois semaines après la bataille. Toutes les maisons et les granges du village, et jusqu’à la dernière pièce du presbythère furent ce jour-là remplies de blessés, et je dus loger dans la cave, où je restai huit jours.

Le 16 octobre, j’osai pour la première fois aller sur le champ de bataille. L’aspect était effrayant, beaucoup de morts avaient la tête emportée ; à beaucoup les entrailles sortaient du ventre ; à d’autres, tout ou la moitié d’un bras ou de la cuisse était arraché. C’est un aspect d’épouvante indicible, et qui révolte à l’extrême la sensibilité humaine, que celui de tant d’hommes si affreusement mutilés, tout nus et couchés dans leur sang. Tout le champ devant le presbythère, du chemin de Hering à celui de Salzburg était plus particulièrement couvert de cadavres. On ne pouvait presque y faire un pas, sans toucher quelque objet. Tantôt un cadavre, tantôt un fusil, tantôt un sac ou un bidon, tantôt un cheval mort ou un bras arraché, tantôt une cartouchière ou une coiffure, tantôt une chemise ou un chiffon, tantôt un tambour crevé, un morceau de pain, de viande, de fromage, de beurre, des pommes de terre, des tas de cartouches, tout cela était entremêlé.

Les Français qui arrivèrent parcoururent le champ de bataille, défirent les havresacs qui s’y trouvaient, et firent leur choix ; ce qui ne leur plaisait pas était jeté.

Au milieu du spectacle lamentable du champ de bataille, il était extrêmement risible de voir une foule immense de jeux de cartes français et allemands mis à jour en vidant les sacs, et dont les cartes avaient été dispersées sur tout le terrain par le vent. A certains endroits se trouvaient aussi des livres de prière français, ce qu’on n’aurait pu supposer chez des Français.

Dès ce jour beaucoup d’hommes des villages et villes voisins parcoururent le champ de bataille, ramassant le pain, la viande, le linge, la poudre, les balles de plomb, des crosses de fusils brisées, et emprtant des corbeilles toutes pleines. Le poste français, qui gardait le champ de bataille, laissait faire tout cela, sans intervenir. Après son départ de nombreux fusils furent aussi emportés.

En l’espace de quinze jours, le champ de bataille fut si proprement nettoyé, qu’on n’y voyait plus une carte, car elles avaient aussi été ramassées et emportées.

Ce 16 octobre, arrivèrent un certain nombre de paysans, qui avaient été commandés pour enterrer les morts. Je craignais que ces gens, puisque personne n’était là pour les surveiller, ne puissent trop facilement faire leur affaire ; je me fis donc aussitôt un devoir de faire attention à ce que l’enfouissement ne soit pas fait à la légère, de tristes conséquences pouvant en résulter. Les paroissiens, qui vinrent ce jour-là et le lendemain, furent placés par moi et priés de creuser la terre de 3 aunes, et j’interdis de placer aucun cadavre sans ma présence. Du matin au soir, je parcourais le champ de bataille, et quand un trou était fait, je faisais mettre les corps, par couches, serrés, et notais leur nombre. Les communes étrangères suivirent aussi suffisamment mes ordres, vraisemblablement parce qu’ils supposaient que les autorités m’avaient chargé de la surveillance.

Ces inhumations durèrent cinq jours.

Il y a dans la plaine d’Hassenhausen, car ma surveillance ne pouvait s’étendre au-delà, 500 hommes enterrés, parmi lesquels je comptais 7/8 de Français et 1/8 de Prussiens. Bien que tous les morts furent déshabillés par les Français, et couchés nus, on pouvait cependant facilement retrouver les corps français. La plupart des Français avaient des tatouages sur le bras, en lettres françaises, qui se distinguaient bien dans la raideur des corps. Je croyais au début que ces gens avaient été aux galères, et étaient ainsi désignés, mais j’appris ensuite que c’était une habitude chez eux de graver de cette manière le nom de leur bien aimée. D’après ces remarques qui s’appliquent aussi aux blessés, j’ai pu connaître leur nombre. 9.000 blessés furent en tout transportés du champ de bataille à Naumburg : 7.000 Français et 2.000 Prussiens.

Je ne pus apprendre avec certitude le total des armées qui ont combattu ici ; on indiquait soit 30.000, soit 40.000 pour les Prussiens, 30, 35 ou 40.000 hommes pour les Français (14).

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Le 16 octobre, la commune d’Hassenhausen éprouva encore de grandes pertes parce que, ce jour là, les Français vinrent y installer un bivouac, dans les jardins et autour du village, et les portes des granges et des maisons, les échalas, les clôtures furent portés dans le camp et brûlés. Beaucoup de paille fut également portée des granges dans le camp et brûlée ou abîmée. Le blé, le seigle, l’orge, l’avoine, les pois étaient mélangés sur la terre, sur plusieurs pouces d’épaisseur. La perte de la commune à cette bataille fut grande et s’éleva à environ 20.000 thalers.

Cependant les auberges ne furent pas détruites ; peu de bétail fut perdu ; chaque habitant garda son pain et de quoi vivre jusqu’à la nouvelle moisson, et la commune reçut aussi de la Caisse de secours, 10 thalers pour 100 perdus, ce qui fut d’un bon secours pour ces tristes temps d’alors.

Depuis la bataille jusqu’en 1813, le village a dû nourrir, tous les ans, des milliers de Français passant et repassant, mais ç’aurait été un fardeau supportable, grâce à la caisse de secours existant en Saxe, si ce n’avait été les nombreux dommages qui s’y ajoutaient, car au début il était payé un thaler 8 groschen par officier et 16 groschen par simple soldat.

NOTES

(1) C’est la 1ère division (Morand) qui s’installe sur les hauteurs en arrière de Naumburg, où s’établit l’état-major de Davout, mettant ainsi la main sur le noeud des communications de l’armée prussienne, attardée entre Erfurt et Weimar. Elle est couverte par les 2ème et 12ème chasseurs de la brigade de cavalerie du 3ème corps.

(2) La division d’avant-garde (Schmettau) atteignit Auerstaedt vers 4H30 de l’après-midi et s’établit au bivouac au-delà, sans pousser jusqu’au défilé de Kösen conformément aux ordres donnés le matin, couvert par les dragons de la Reine. De 6H00 à minuit, les quatre autres divisions bivouaquèrent assez en désordre, en raison de la nuit, au sud-est et au sud-ouest de la ville où s’était installé le grand quartier général. Faute de distributions, les localités voisines furent pillées.

(3) Ce sont loes chasseurs de l’escorte du maréchal, venu en reconnaissance de Naumburg et parvenu vers 5H00 sur la hauteur à l’est d’Hassenhausen, qui avaient fait tourner bride aux dragons prussiens. Cette crête de la cote 269 domine d’une vingtaine de mètres le village situé au centre du bassin autour duquel devaient se livrer le lendemain les combats les plus acharnés, tandis que les deux ailes du 3ème corps devaient le déborder.

(4) Il s’agit de la reconnaissance menée dans le brouillard par le colonel Burke, premier aide de camp de Davout, avec un détachement du 1er chasseurs. Elle se heurta dans Poppel à une pointe de dragons de la Reine qui précédait la nouvelle avant-garde commandée par Blücher chargé de s’emparer du pont de Kösen, puis de couvrir le flanc droit de l’armée tandis que celle-ci continuant vers le nord franchirait l’Unstrut. L’affaire fut engagée à coups de pistolets par le colonel Burke qui se replia par Hassenhausen, ayant fait quelques prisonniers, pour se rallier à la tête de la division Gudin. Le pont de Kösen a été occupé le 13, vers 8 heures du soir, par le 25ème d’infanterie (3ème division). Cette division restée bivouaquée en arrière (sud) de Naumburg ne prit la tête du mouvement qu’à 4 heures du matin, précédée de son avant-garde (un escadron du 1er chasseurs et le 25ème de ligne), qui franchit le pont à 6 heures. La 2ème division ne quitta les abords de la ville qu’à 5 heures.

(5) La batterie à cheval Graumann, qui s’était égarée pendant la nuit. Le 1er bataillon du 25ème de ligne, quant il aperçut Hassenhausen, se déploya à droite de la route, les pièces sur la chaussée et à droite, un peu en avant de la cote 269, et quand les dragons poussant le colonel Burke sortirent du chemin creux qui borde au sud le village, ils furent accueillis par une volée de mitraille. La batterie prussienne déboucha, non sans pertes, à la sortie d’Hassenhausen, au nord de la route, en face du 25ème, qui formait ses carrés. Elle ne put tenir et fut prise en partie. Trois compagnies de grenadiers et de voltigeurs du 25ème se jetèrent à la poursuite des dragons et artilleurs à travers le village et s’établirent dans le boqueteau à sa sortie ouest.

(6) « Toute la division prussienne, général Schmettau, était en ligne avec une immense cavalerie, en arrière de Hassenhausen. L’ennemi réunissait ses efforts sur le 25ème posté à la tête et un peu à droite du village. » (extrait du Journal des Opérations du 3ème Corps). Au premier coup de fusil, le tocsin s’était fait entendre dans tous les villages. Partout les habitants s’étaient montrés ennemis... Ceux-mêmes de Naumburg devaient faire des difficultés pendant la bataille pour recevoir les blessés. Un exemple faillit être exécuté sur le village de Priessnitz.

(7) « Il s’était élevé une demi-heure avant le jour un brouillard si épais qu’il ne permettait pas de distinguer les objets à portée de pistolet. » (Journal) Le colonel d’état-major de Brunswick dit que le brouillard permettait de voir de 1.000 à 1.500 pas dans certains endroits.

(8) En arrière et un peu au nord de Hassenhausen les pièces de 12 du 3ème Corps, en batterie sur une faible auteur, battaient le village et ses abords. C’étaient six pièces autrichiennes du parc de réserve !

(9) Il y a un peu de confusion dans l’enchaînement des événements, parce que les grandes lignes échappent à notre observateur, qui se terre à certains moments. Tandis que se déployait sur deux lignes la division Schmettau vers la gauche, sous le feu de l’artillerie de la division Gudin, Brunswick faisait déployer la division Wartensleben à droite (sud) de la route Taugwitz-Hassenhausen, en appelant la division Orange en réserve, derrière les deux précédentes. Ainsi, l’armée prussienne orientée vers le nord opérait une conversion face à l’est. Les attaques furieuses et réitérées des cavaliers de Blücher sur le 25ème avaient amené Davout à envoyer la division Friant tout entière à l’aile droite, tandis qu’à gauche d’Hassenhausen le 85ème, isolé, repoussait l’attaque du bataillon de grenadiers Krafft, avant d’être surpris lui-même par l’attaque d’éléments de la division Wartensleben. C’est le 103ème qui déboucha de Punschrau : ses tirailleurs, se suspendant aux étriers des chasseurs à cheval, se jetèrent sur les derrières d’une batterie (Merkatz) qui prenait en flanc la droite française. L’auteur ne dit rien de la fuite du 85ème à travers les rues du village et sa réoccupation par le 21ème, ce qui obligea toute la division Wartensleben à faire face au nord, présentant ainsi son flanc droit à l’attaque imminente de la division Morand. La 1ère division du 3ème Corps venait, en effet, de déboîter au sud de la route et elle réussit à tenir en échec les charges désordonnées d’une trentaine d’escadrons, échelonnés derrière la droite prussienne.

(10) Le duc venait de donner l’ordre au dernier bataillon de la division Wartensleben, les grenadiers Haustein, de s’emparer du village, lorsqu’il reçut une balle en pleine figure. « A partir de ce moment, dit Lettow-Vorbeck, disparut toute direction d’ensemble » . « Chaque général fit ce qu’il voulut », confirme Scharnhorst.

(11) Il ne peut s’agir de l’entrée en ligne tardive de la brigade Lutzow (division d’Orange) repoussée par les troupes de Morand, mais sans doute du régiment du Roi, envoyé par S.M. sur Rehehausen pour enrayer la retraite de cette brigade, qui était venue s’intercaler, mais sans succès, entre les deux brigades de la division Wartensleben, et de différents corps de la réserve : bataillon Greiffenberg, chasseurs de Weimar, bataillon des Gardes, qui furent également refoulés par Morand, à cette extrêmité sud du champ de bataille.

(12) A midi trente, l’armée prussienne avait commencé à plier. A 1 heure, elle commençait à évacuer les hauteurs d’Hassenhausen, reculant en combattant. Le 108ème (division Friant) s’était avancé en arrière de la gauche de la division Schmettau, qui se repliait vers le cul-de-sac Poppel-Taugwitz. C’est vers 1H30 et 2H00 que la retraite des divisions de première ligne désagrégées de changea en déroute.

(13) Il ne devait pas en être de même à Auerstedt, qui finit par être incendié au cours de la poursuite, la partie est par les obus français, la partie nord par les Prussiens pour couvrir leur retraite. Il faut se rendre compte que les idées des Prussiens et des Français sur l’emploi des localités dans la bataille étaient fort différentes. En bref, les villages gênaient l’ordre oblique des uns, alors que les autres sautaient sur les points d’appui, autour desquels ils entendaient manoeuvrer, n’occupant par des éléments légers que les lisières et un réduit central, les bataillons au dehors.

(14) Le 3ème Corps comptait 28.874 hommes à l’effectif du 5 octobre, mais n’avait pas, le 14, plus de 26.000 combattants présents à la bataille. Ce n’étaient pas tous des soldats aguerris ; il y avait environ un tiers de jeunes soldats. Par exemple, au 111ème, 7 ou 800 conscrits voyaient le feu pour la première fois. Les 26.000 braves de Davout se heurtèrent donc aux 46.000 soldats de l’armée royale prussienne, non moins braves, mais moins bien commandés, de sorte que 12.000 fusils de la réserve restèrent à peu près inutilisés. Dans la première partie de la bataille, autour d’Hassenhausen, les 15.000 hommes des divisions Schmettau et Wartensleben furent opposés aux forces à peu près égales des divisions Gudin et Friant, plus tard la division Orange à la division Morand. L’ennemi perdit 115 pièces de canon, environ 15.000 morts et blessés et 3.000 prisonniers. La 1ère division française perdit, tant tués que blessés, 98 officiers et 2.181 hommes de troupe, la 2ème : 90 et 900, la 3ème : 134 et 3.500, en tout 252 officiers et 6.581 soldats. Plus du tiers du corps d’armée était donc hors de combat.

Notes de Georges MAUGUIN dans Revue des études napoléoniennes, éditions G.Ficker, n°164, décembre 1936

Tieze, Johann Christian David : Zuverlässige Nachrichten, 1. Von der am 14. Oktober 1806 zwischen den Königl. Preußischen und französisch-Kaiserl. Truppen bei Hassenhausen gelieferten Schlacht. 2. Von dem verwüstenden Rückzuge der Franzosen am 21. October 1813. 3. Von dem Friedensfeste am 18. Januar 1816, und der feierlichen Pflanzung zweier Eichbäume als Denkmal des Friedens. Geschrieben zum Andenken an die Gemeinde und die Nachkommen derselben. [Dazu] Nachrichten über die Ereignisse zu Taugwitz im Jahre 1806 aus dem Jahrbuch von Wilhelm Streuber. Erweit. Neudruck Naumburg : Pätz, 1911. 40 S. 2 Abb., broschiert. [Hassenhausen ]