FRIANT Louis (1758-1829)

Beau-frère du maréchal Davout par son mariage avec la soeur d’Aimée Leclerc, le général comte Friant (1758-1829) fut le vaillant commandant de la 2ème division du 3ème corps.

Louis Friant est né à Morlancourt, dans la Somme, le 18 septembre 1758. Après une première expérience, guère prometteuse, dans l’armée entre 1781 et 1787, il s’engage dans la garde nationale parisienne en septembre 1789. Envoyé aux frontières en 1792, il est élu lieutenant-colonel en premier du 9ème bataillon de Paris, dit bataillon de l’Arsenal. Il participe aux combats de l’armée de la Moselle entre 1792 et 1794 et notamment à Fleurus le 26 juin 1794. Il fait fonction de chef d’état-major du général Schérer puis commande provisoirement une division sous les ordres de Kléber. Il participe au siège de Maestricht en octobre 1794 et au siège de Luxembourg en avril 1795. Friant est même nommé gouverneur de Luxembourg le 8 juin 1795 avant d’être confirmé général de brigade le 18 juin. Il sert ensuite à l’armée de Sambre-et-Meuse puis à l’armée d’Italie au sein de la division Bernadotte avec laquelle il participe aux combats du Tagliamento (16 mars 1797) et de Laibach (14 juin 1797).

Il est appelé à participer à l’expédition d’Egypte et, sous Desaix, s’illustre à Chebreiss, aux Pyramides, à Samanhout, à Girgeh, à Aboumanah. Nommé général de division provisoire (4 septembre 1799), Friant reçoit le commandement de la Haute-Egypte après le départ de Desaix. Il se distingue encore à Héliopolis, à Belbeis et à Boulâq, ce qui lui vaut d’être confirmé général de division par arrêté des consuls le 6 septembre 1800. Devenu gouverneur d’Alexandrie, il combat les Anglais à Aboukir, au lac Madieh et à la bataille de Canope. Il rentre en France avec les restes de l’armée d’Orient à la fin de l’année 1801.

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Le général comte Friant

Envoyé au camp de Bruges en août 1803, il reçoit, le 30 août 1805, le commandement de la 2ème division du 3ème corps du maréchal Davout. Par une marche exceptionnelle de 112 kilomètres en 44 heures, la division Friant peut participer à la bataille d’Austerlitz et y jouer le rôle que l’on sait à l’aile droite de la Grande armée.

Le colonel Michel ancien du 48e, est admiratif : « Si on étudie maintenant le général qui a contribué si puissamment au succès de cette mémorable bataille et qu’on se demande par quel prestige il est parvenu à surmonter les difficultés que présente une longue et presque impraticable route à travers les montagnes de la Styrie, en un temps donné, bien qu’ayant livré un combat sanglant à Maria-Zell ; comment, à peine a-t-il rejoint le corps d’armée, que, recevant l’ordre de se diriger sur Gross-Baygern, enlève t-il ses soldats et leur fait-il franchir dans ce but un espace de trente-deux lieues en quarante-quatre heures tout d’une traite, quoiqu’ils soient presque dépourvus de chaussures et manquant de pain ; quelle est enfin cette puissance magnétique ou morale, à laquelle tous se soumettent sans contrôle, sans examen, et leur fait affronter un ennemi dont le nombre est au leur comme cent est à dix ? Car telle était la proportion entre les pelotons qu’il conduisit au feu dès le matin du 2 décembre, et les Russes massés autour et dans le village de Sokolnitz. Ceux qui ont servi sous ses ordres et qui l’ont approché, répondent à ces questions en traçant son portrait en quelques mots : “Le général Friant, par son bon naturel, son excellent coeur, ce sentiment généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité : il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient Notre bon, notre brave père”. Il était d’une grande taille, portant la tête haute, surtout devant l’ennemi ; d’une tenue irréprochable, doué d’un esprit fin et juste, d’un courage et d’une bravoure incontestables et incontestés ; il aurait figuré dans le nombre de ces nobles et vaillants chevaliers cités dans l’histoire et dans les poèmes épiques, qui ne comptaient leurs ennemis que lorsqu’ils avaient mordu la poussière ».

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Friant (le comte), adjudant-major
"Il fut chargé de s’emparer d’une hauteur près de Landsberg, par deux fois il debusqua l’ennemi et reçut presqu’a bout portant un coup de feu qui lui traversa la jambe"

Le général Friant est aussitôt fait grand aigle de la Légion d’honneur (27 décembre 1805). Il fait ensuite toutes les campagnes du 3ème corps et se distingue avec lui à Auerstaedt où il joue un rôle décisif sur l’aile droite du dispositif français, du Spitzberg jusqu’à Poppel et Eckartsberg.

Friant est encore à Golymin, à Eylau (où il est blessé).

Le capitaine Elzéar Blaze [1], qui sert dans sa division au sein du 108e de ligne commandé par le colonel Rottembourg, ne tarit pas d’éloges sur son divisionnaire : « Le général Friant était non seulement un homme très brave, mais encore un très brave homme que tout le monde aimait. Quand nous lui faisions une visite de corps, il ne nous haranguait pas ; il n’était point phraseur de sa nature, il parlait peu, mais ce qu’il disait faisait toujours impression, parce que cela partait du coeur. Sa physionomie hâlée par le soleil d’Egypte, ses yeux vifs et brillants, sa pose guerrière sans charlatanerie, tout cela donnait à ses paroles un mordant que beaucoup d’orateurs voudraient ajouter à leurs figures de rhétorique. “Bonjour, mes camarades, quand on vous voit, on désire une bataille ; avisez-vous donc de faire la paix lorsqu’on a de tels régiments !” Il le pensait ; même quand il nous disait tout simlement : “Entrez, Messieurs, j’ai beaucoup de plaisir à vous voir”, on s’apercevait qu’il disait vrai. Le général Friant était un brave et digne homme ; jamais officier n’alla le voir avec crainte, jamais il n’en sortit mécontent. Ce que je dis des officiers peut s’appliquer aux sergents, aux caporaux, aux soldats. Cet homme avait le talent de se faire aimer de tous. Ce talent est rare ».

Créé comte de l’Empire le 5 octobre 1808, il participe encore aux batailles de Thann, d’Eckmühl, de Ratisbonne et de Wagram où il est à nouveau blessé. Il est ensuite chargé d’occuper la Poméranie suédoise avant de participer à l’expédition de Russie au sein du 1er corps confié à Davout. Début août 1812, Friant est nommé par Napoléon colonel des grenadiers à pied de la garde (à la place du général Dorsenne mort en Espagne). Il est blessé à Smolensk, puis deux fois encore à la Moskowa, ce qui lui vaut d’être rapatrié en France. Davout, dans une lettre à sa femme, espère son rapide retour : « Les officiers de son espèce ne sont pas communs » (de Magdebourg, le 2 mars 1813).

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Le général Friant est nommé colonel commandant les grenadiers de la Garde.

Chambellan de l’Empereur en 1813, Friant participe à la campagne d’Allemagne (Dresde, Hanau) et à la campagne de France (Rouvré, Champaubert, Montmirail Vauchamps, Craonne, Arcis-sur-Aube). Nommé colonel en premier des grenadiers à pied de la vieille garde, il est fait pair de France le 2 juin 1815. Fidèle jusqu’au bout, Friant est à la tête de ses 3800 grenadiers quelques jours plus tard à Waterloo, au sein de la Garde impériale que commande le général comte Drouot. C’est à cette dernière bataille qu’il reçoit sa dernière blessure. Il est admis à la retraite le 4 septembre 1815, à l’âge de 57 ans dont 34 années de campagnes.

Louis Friant avait épousé Louise Françoise Charlotte Leclerc, la sœur d’Aimée Leclerc épouse Davout. A ce titre, il était donc le beau-frère du maréchal. Il s’est éteint le 24 juin 1829 à Seraincourt (château de Gaillonnet) en Seine-et-Oise. Son fils, Jean-François, fut aide de camp du roi Louis-Philippe et accompagna le souverain lors de son exil en Angleterre. Son petit-fils, le général comte Léon Friant (1822-1899), participa à la campagne d’Italie (1859) et à la guerre contre l’Allemagne (1870).

Pour en savoir plus :
- « Vie militaire du lieutenant-général comte Friant » par le comte FRIANT, son fils - Paris, Dentu, 1857
- « Général de bataille Charles Antoine Louis Morand - Généraux Friant et Gudin du 3ème corps de la Grande Armée » par Georges RIVOLLET - Paris, J. Peyronnet et Cie, 1963

[1] capitaine Elzéar Blaze « Souvenirs d’un officier de la grande Armée », Paris, Arthème Fayard